Entreprendre dans le numérique, plus compliqué?
- Seulement 2,5% d’entreprises créées en début d’année œuvrent dans le digital
- Un secteur simple d’accès, mais de plus en plus concurrentiel
2,5%. C’est la part d’entreprises créées dans le secteur du digital en janvier-février 2024. «Nous devrions faire plus…», s’étonne Mehdi Alaoui, fondateur de la plateforme d’accélération de startups, La Startup Station. Une impression partagée par Mohamed-Amine Hejji, PDG de la startup Bluedove, fondée par des alumni de l’UM6P, spécialisée en services et conseil en informatique: «Je suis choqué», exprime-t-il, «mais je comprends». Si son entreprise, née en 2019, a survécu au Covid et se porte bien aujourd’hui, elle est toutefois passée par des échecs.
Le secteur est plutôt facile d’accès, «puisqu’il suffit juste d’un ordinateur et d’une connexion», selon Hamza Aboulfeth, entrepreneur dans l’IT (information technology). Y entreprendre reste «ouvert à tous», et requiert moins de capital que dans d’autres activités. La possibilité d’innovation y est infinie, et c’est là le piège, selon Mohamed-Amine Hejji. N’importe qui peut se lancer dans le domaine, et la concurrence s’y accroît de jour en jour. «Il faut avoir la bonne idée au bon moment, et ne pas aller plus vite que la musique, croyant que l’on peut anticiper tous les besoins de nos futurs clients», exprime le PDG de Bluedove. A ses yeux, les idées finissent par se noyer les unes dans les autres, et embrouillent le marché.
Par ailleurs, dans le marché marocain, voire africain, la digitalisation n’est pas encore «culturellement» démocratisée. Il est donc aussi difficile d’un point de vue commercial d’entreprendre dans le digital. Si prouver la valeur d’un produit est la difficulté de toute vente, dans le digital, c’est d’autant plus dur. «Ce n’est pas aussi facile de vendre une idée dans la tech que de vendre une télévision par exemple», illustre Mohamed-Amine Hejji. «Une télévision, vous en connaissez la valeur, et il est inutile d’en prouver l’utilité», poursuit-il. En revanche, pour un service digital, il faut trouver le moyen de convaincre.
La GenZ, un espoir pour le secteur
Les trois entrepreneurs se rejoignent pour affirmer que la jeunesse marocaine est source d’espoir pour le développement du digital, si le processus de formation des talents s’accélère. «La génération Z a tout pour y réussir», estime Hamza Aboulfeth. «Ils sont nés avec un téléphone dans la main et sont plus réactifs que les anciennes générations sur les sujets du digital». L’entrepreneur IT peine lui-même à travailler avec des personnes plus âgées. Par expérience, il note un manque de disposition à rester à jour dans un secteur qui pourtant bouge constamment, et où la célérité et la réactivité sont décisives.
Comment booster les startups
Constamment au contact de startuppers, Mehdi Alaoui, également ancien vice-président de l’Apebi (Fédération des technologies de l’Information, de télécommunication et de l’offshoring), observe les jeunes pousses et remarque les points d’amélioration qui, à long terme, pourraient faciliter l’entrepreneuriat au Maroc. Tout d’abord, un encadrement législatif adéquat. Au Maroc, les startups n’ont pas de statut particulier. Elles peuvent se constituer en SARL (société à responsabilité limitée) ou en SA (société anonyme), mais ne reçoivent pas de subvention ou d’avantages particuliers. Chose que l’entrepreneur regrette, citant l’exemple de la France qui se veut être une «startup nation» et encourage les startups. L’environnement de l’entreprise est en outre crucial. Pour Mehdi Alaoui, les grandes entreprises privées doivent faire plus confiance aux entreprises IT. «Dans le cas du commerce B to B (d’entreprise à entreprise), les grands noms sont encore trop méfiants envers les TPE et PME», déplore-t-il.
Pour l’expert de l’accompagnement des jeunes structures, les startups devraient, pour leur part, oser l’international. De ce point de vue, l’offshore est une solution intéressante.
Lili-Jeanne BLUTEAU, journaliste stagiaire