Actualités

Ingénierie: Ces spécialités rares au Maroc, mais à l’emploi garanti

Les écoles sont généralement à l’écoute du marché pour développer des cursus répondant à des besoins réels, voire, préparant des demandes futures. Ce fut le cas ces dernières années pour tout ce qui est digital, IA, énergies renouvelables… Néanmoins, certaines spécialités restent rares, voire inexistantes au Maroc. Cela peut être dû à l’absence/manque de débouchés, ou au caractère très pointu des domaines concernés. Cap sur ces filières d’exception, mais dont l’emploi est quasi garanti.

■ Aérospatial: Pas de filières dans le public

aerospatial-047.jpg

Que ce soit en aéronautique ou dans le domaine spatial, les ingénieurs sont rares au Maroc. Et pour cause, il s’agit de deux spécialités naissantes et pour lesquelles les cursus sont peu courants. L’aéronautique, par exemple n’est en général enseignée qu’en tant que module dans une filière. Avec l’essor de cette industrie au niveau local, les écoles sont de plus en plus nombreuses à initier leurs étudiants à ce secteur.

En matière de technologies et industries spatiales, il n’existe aucune filière chez les écoles publiques. La seule ouverture sur le domaine est celle du centre spécialisé de l’université Mohammed V, hébergé à l’Ecole Mohammadia d’ingénieurs (EMI). L’an dernier, ce centre a participé au lancement des premiers nano-satellites universitaires marocains, actuellement sur orbite. «Nous souhaitons capitaliser sur cette expérience pour en faire un centre national, et pourquoi pas, à portée africaine, et passer de la recherche à la formation», confie Hassane Mahmoudi, directeur de l’EMI. Mais qu’en sera-t-il des débouchés? «Avec des formations également généralistes, les lauréats de ces spécialités peuvent travailler dans divers domaines», assure Mahmoudi.

                                                     

■ …Et une seule école spécialisée dans le privé

aviation-047.jpg
(Ph. SAAE)

Il existe une seule école au Maroc spécialisée dans l’aérospatial, relevant de l’Université internationale de Rabat (UIR). L’École d’Ingénierie Aérospatiale et Automobile (SAAE) a été créée en 2011 en partenariat avec Georgia Tech Institute of Technology (Etats-Unis). Au début, elle ne formait que dans les domaines de l’aéronautique et de l’espace. En 2015, elle a introduit l’automobile pour accompagner le développement de ce secteur.

600 lauréats sont sortis de l’école depuis sa création. Son programme est dispensé à 100% en anglais. Dans l’aérospatial, l’établissement livre près de 80 diplômés par an. Grâce à ses partenariats aux Etats-Unis et en France, ses étudiants peuvent décrocher des doubles diplômes et effectuer des échanges à l’étranger. A travers leurs différents modules, ils peuvent travailler sur la conception de satellites, de prototypes de missiles, de missions spatiales… «Les débouchés sont surtout du côté des constructeurs aéronautiques. Nous avons aujourd’hui quelques 140 multinationales au Maroc positionnées sur différentes chaines de valeur: montage, conception, matériaux…», précise le doyen de la SAAE, Mustapha Faqir. Et d’ajouter: «La 1re promo, de 15 étudiants, a été recrutée dans sa totalité dans les projets des satellites Mohammed VI A et B». Le taux d’insertion des lauréats est de plus de 90% au bout des premiers 6 mois. Une bonne partie travaille d’abord à l’étranger avant de rentrer au Maroc. Actuellement, l’école compte environ 500 étudiants, dont 300 dans l’aérospatial.

                                                     

ingenieurs-design-profil-047.jpg

■ Ingénieurs design, un profil peu commun

GénéralemenT, les ingénieurs sont formés sur des aspects techniques et scientifiques. Le design ne fait pas partie de leur parcours. Les formations hybrides, combinant compétences techniques et créativité sont rares au Maroc. Les ingénieurs design peuvent intervenir dans divers domaines pour concevoir des prototypes, des services, des expériences utilisateurs, un environnement architectural… Ils sont de plus en plus demandés.

                                                     

■ Ingénierie quantique: Forte demande dans les années à venir

ingenierie-quantique-047.jpg
(Ph. AFP)

A mi-chemin entre physique quantique, un domaine très peu développé au Maroc (avec quelques filières et modules universitaires, notamment en physique quantique), et ingénierie, le quantum engineering reste une spécialité rare dans le monde. Il nécessite des connaissances pointues, à la fois en mécanique quantique, matériaux, informatique, électronique… Avec le développement de l’informatique quantique, la demande pour ce genre de profil ira crescendo dans les années à venir.

La faculté des sciences et techniques d’Al Hoceïma, par exemple, propose un master en «Information quantique: Modélisation et applications» ouvert aux bac+3.

                                                     

■ Nano engineering: Une discipline de pointe

ingenieurs-design-047.jpg

Autre spécialité de pointe, le nano engineering, qui couvre la conception et la manipulation de dispositifs à l’échelle nanométrique. Cette discipline, rare même à l’international, intervient dans de nombreux secteurs (électronique, médecine, énergie…). Là encore, que ce soit dans l’industrie ou la recherche, la demande des spécialistes de ce domaine est croissante.

L’université Mohammed VI Polytechnique propose un master en sciences et ingénierie des matériaux avec des modules en nanotechnologie. L’UM6P mobilise en outre un département de recherche en «science des matériaux, énergie et nano-ingénierie (MSN)».

                                                     

■ Ingénierie navale: Une formation de niche

ingenierie-navale-047.jpg

Au Maroc, les formations dans le domaine maritime sont notamment proposées par l’Institut supérieur d’études maritimes (ISEM), avec diverses filières: Ingénierie navale, ingénieur en construction et maintenance navales, ingénieur en sciences navales et ingénieur en mécanique navale. L’Ecole royale navale, aussi, dispense des spécialités liées à l’ingénierie navale.

Les débouchés sont multiples: compagnies de transport maritime, chantiers navals, marine marchande… comparativement à d’autres spécialités, l’ingénierie navale au Maroc reste relativement peu courante.

Pourquoi certains domaines sont peu servis en compétences?

Design engineering, nano engineering, ingénieur manager… Certaines spécialités manquent d’ingénieurs au Maroc. Pour Najib Hamouti, expert en formation, membre du réseau d’experts de la fondation européenne pour la formation (ETF), trois raisons peuvent expliquer cette situation. D’abord, la nature du tissu productif composé essentiellement de PME et TPE, non positionnées sur des domaines de pointe. Ensuite, les multinationales présentes dans le pays n’assurent que la partie production dans la plupart des cas. «Or, de tels profils ne sont demandés que dans des entreprises avec des activités intégrées, couvrant la R&D, le design, le supply chain, le produit fini…», explique Hamouti.

L’expert évoque également le manque de communication entre écoles et industriels. Ces derniers ne participent pas suffisamment à la mise en place et à la mise à jour de filières. «Enfin, malgré les efforts déployés, nous accusons un manque de data sur le marché de l’emploi et les compétences recherchées en temps réel, pour permettre les ajustements nécessaires. Par exemple, aux Etats-Unis, l’on retrouve une association, National Association of Colleges and Employers (NACE), qui assure ce rôle de dialogue permanent entre les universités et les entreprises, et diffuse des études en permanence», conclut-il.

                                                     

■ Navigation aérienne: Deux parcours uniques

navigation-aerienne-047.jpg
(Ph. AIAC)

Dans l’aérien, il existe deux spécialités que l’on ne retrouve qu’à l’Académie Internationale Mohammed VI de l’aviation civile (AIAC), et qui livrent chaque année peu de diplômés. La première est celle de contrôleur de la navigation aérienne. Un métier essentiel pour la sécurité des vols. Son rôle est de veiller à l’ordre et la fluidité du trafic aérien. Le deuxième est celui d’électronicien de sécurité de la circulation aérienne. Ce profil est responsable de l’installation et de la maintenance des systèmes et équipements électroniques utilisés par les contrôleurs aériens.

L’AIAC relève de l’Office national des aéroports (ONDA), et répond à ses besoins spécifiques. «Ces deux parcours sont très sélectifs. Nous formons chaque année 24 contrôleurs et 16 électroniciens», relève le directeur de l’académie, El Wafiq. «Nous pouvons nous positionner en Afrique pour proposer ces formations à de nombreux pays du continent», ajoute-t-il. Les lauréats s’engagent à intégrer l’ONDA. L’emploi est ainsi garanti, il suffit de s’accrocher. Durant la formation, les étudiants sont soumis à plusieurs tests (psychologiques, psychotechniques, médicaux, ophtalmologiques…).

Cette année, pour la première fois, l’AIAC sortira des diplômés relevant du régime paramilitaire. «A l’image de l’EMI, ce sont des ingénieurs d’Etat et des officiers de réserve», partage El Wafiq.

Après le projet de transformation de l’ONDA en S.A, l’AIAC pourrait proposer des formations dans de nouveaux métiers liés à l’exploitation aéroportuaire, touchant notamment aux aéroports 5.0, aéroports intelligents…, avec une forte composante en IA, ainsi que dans l’industrie avionique, couvrant plusieurs domaines (mécanique, électronique, informatique…).

                                                     

■ Agriculture: Des cursus innovants uniquement à l’IAV

agriculture-drones-047.jpg
(Ph. L’Economiste)

L’’Institut agronomique et vétérinaire (IAV) Hassan II est le bras armé du ministère de l’Agriculture pour la formation. Il existe ainsi des filières qu’il est le seul à proposer, à la fois en master et en cycle ingénieur. «Elles ont été introduites pour être en phase avec la réponse d’atténuation des effets des changements climatiques sur notre agriculture, et aussi répondre à la demande du marché d’emploi, en offrant des formations innovantes dans notre domaine d’expertise», explique l’institut.

Parmi les filières ingénieur, celle ouverte en 2022-2023, intitulée Ingénierie Data Science en Agriculture (IDSA). Elle vise à former des ingénieurs capables d’intégrer les technologies de la science des données dans le secteur agricole. Ils peuvent ainsi «concevoir et mettre en œuvre des solutions basées sur l’intelligence artificielle et le big data pour améliorer la productivité et la durabilité des systèmes agricoles». Les lauréats acquièrent une triple compétence, selon l’IAV, en agriculture, en statistique et en informatique.

Les débouchés sont multiples: entreprises agricoles/agroalimentaires en tant que data scientists ou analystes de données agricoles, institutions de R&D agricole, différents organismes (gouvernementaux et non gouvernementaux) œuvrant dans l’agriculture, ou encore, dans des start-ups spécialisées en agri-tech.

Une deuxième filière ingénieure, unique, est en cours de création à l’institut. Il s’agit de celle de Génie-Rural dessalement et Énergie propre, annoncée par le ministre de l’Agriculture à la rentrée universitaire 2024-2025. Elle fait suite au discours du trône de SM le Roi Mohammed VI, du 30 juillet dernier. Cette spécialité formera des ingénieurs à même de «concevoir, exploiter et optimiser» des systèmes de dessalement de l’eau (eau de mer et eaux saumâtres), alimentés par des énergies renouvelables. Les diplômés pourraient travailler dans des entreprises de dessalement et de traitement des eaux, bureaux d’études spécialisés, organismes publics et parapublics en charge de la gestion des ressources hydriques….

armement-047.jpg

■ Armement: Un segment pas encore appréhendé

Deux zones d’accélération industrielle dédiées au secteur de la défense, des accords pour la construction de drones, de véhicules blindés, d’avions militaires… Le Maroc affiche clairement son ambition de se positionner dans l’industrie de la défense. Cependant, jusqu’à présent, aucune école marocaine ne forme des ingénieurs d’armement. Pour qu’elles puissent le faire, la demande doit émaner du département de la Défense. Car il s’agira de répondre à des besoins concrets, en collaboration avec les entités concernées. Les formations incluraient ainsi des intervenants civils et militaires.

Avec le développement d’une industrie locale, les compétences dans le domaine seront de plus en plus recherchées.

A.Na.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page