Enseignement privé: Désormais, des diplômes équivalents pour 88% des étudiants!
- Le résultat du dispositif de la reconnaissance de l’Etat lancé il y a 10 ans
- Plus de la moitié des établissements payants ont pu obtenir le label
Cela fait 10 ans que les candidatures pour la reconnaissance de l’Etat ont été ouvertes pour les écoles et universités privées. Une option prévue par la loi 01-00 régissant le secteur promulguée en 2000, mais qui n’a été activée que 15 années plus tard, comme le rappelle Hassan Sayarh, expert en enseignement supérieur, consultant-formateur, également ancien élu de l’enseignement supérieur privé, et ex directeur général du groupe HEM. L’Université internationale de Rabat (UIR) a été la première à obtenir le précieux titre permettant aux opérateurs privés de délivrer des diplômes équivalents. Une décennie plus tard, quel bilan?

Créer un esprit d’émulation
Aujourd’hui, plus de la moitié des établissements payants sont reconnus par l’Etat, soit 114 sur un total de 207 (voir tableau). En termes d’effectifs, environ 88% des étudiants du privé sont scolarisés dans des établissements disposant du label. Ils ont ainsi tous l’assurance d’obtenir un diplôme équivalent.
Au départ, le dispositif était ultra sélectif, avec un cahier de charges jugé impossible à remplir par la majorité des établissements en place. «Il se focalisait surtout sur des critères quantitatifs, car l’on a essayé de calquer le fonctionnement des établissements publics. Le ministère de l’Enseignement supérieur a ensuite revu plusieurs de ses conditions, et des écoles ont commencé à obtenir le label. Certaines n’ont pas pu suivre et ont dû fermer. Actuellement, les conditions sont beaucoup moins strictes», précise Sayarh.
L’idée de départ était justement de «filtrer» le secteur privé. Il s’agissait de relever les standards de qualité vers le haut, en poussant les établissements à se mettre à niveau et en créant un esprit d’émulation. C’était l’ambition de l’ancien ministre Lahcen Daoudi. Seuls les meilleurs pouvaient ainsi accéder au sésame, tandis que les autres n’auraient d’autre choix que de suivre, ou disparaître. De fil en aiguille, le terrain a dit son mot, et il a fallu alléger le dispositif pour l’ouvrir à plus de prétendants.
Sous le mandat de Saaïd Amzazi (2018-2021), le ministère souhaitait aller encore plus loin, en imposant les critères de la reconnaissance comme condition sine qua none pour la création de nouveaux établissements. Une mesure approuvée par son successeur, Abdellatif Miraoui (2021-2024). L’actuel ministre, Azzedine El Midaoui irait-il dans le même sens?
Et si l’on généralisait la reconnaissance à tout le privé…
■ Hassan Sayarh, expert en enseignement supérieur, consultant-formateur: «Si l’on souhaite se focaliser sur la qualité, il faudrait permettre à des établissements reconnus d’exister, et à ceux non reconnus aussi d’exister, pour que nous puissions faire la différence. Si tout le monde est reconnu, le label ne procurera plus d’avantage et nous ne serions plus dans la qualité»
■ Mohamed Zaoudi, directeur de l’IGA: «A partir du moment où l’on a franchi ce pas de ne plus faire de différence entre le privé et le public grâce à la reconnaissance, cela ne peut être que bénéfique pour l’ensemble des parties prenantes. Par exemple, auparavant, l’Etat ratait des profils de l’enseignement privé en raison de cette contrainte de l’équivalence.
Je suis d’avis de généraliser la reconnaissance. Une école privée ne doit exister que si elle est reconnue par l’État. Autrement, il y aura toujours des étudiants piégés, parce qu’à la fin de leur parcours ils n’obtiendront pas de diplôme équivalent. Il faudrait pousser l’ensemble des acteurs à s’aligner sur les standards de la reconnaissance. Ou bien, carrément retirer cette notion pour tout le monde, et que le meilleur gagne!»
Une qualité réellement améliorée?

Avec un recul d’une décennie, la reconnaissance a-t-elle réellement permis de niveler le secteur par le haut? Les avis sont plutôt partagés. «Certainement un peu…, mais pas beaucoup, dans la mesure où la qualité n’était pas le leitmotiv de départ», pense Hassan Sayarh. Mohamed Zaoudi, directeur de l’IGA, pour sa part, reconnaît une amélioration de la qualité de l’offre en place. Pour lui, la reconnaissance a, également, permis d’écarter les «éléments perturbateurs» du secteur, ceux proposant un semblant de qualité, et s’adonnant à des publicités mensongères. «Le ministère a aussi facilité les choses, en publiant la liste des écoles accréditées et/ou reconnues par l’État», souligne-t-il. Et d’ajouter: «Cependant, en termes d’impact, nous sommes un peu déçus, puisque le privé n’accueille toujours que 5 à 6% des effectifs du supérieur, alors que l’objectif était d’atteindre 20%». Hind Moutawakkil, présidente de la Conférence des grandes écoles, quant à elle, estime que la reconnaissance de l’Etat a été un «tournant structurant et impactant» pour le secteur (Lire article). «Ce dispositif a permis d’introduire des standards de qualité, d’exigence académique et scientifique et de gouvernance qui ont rehaussé l’image et la crédibilité du privé au sein de l’écosystème national», assure-t-elle.
Ahlam NAZIH