Enseignement privé: «La reconnaissance nous a poussés à revoir nos modèles»
- Un progrès significatif dans un secteur qui souffrait d’une image fragmentée
- Agir pour permettre à tous les opérateurs de se hisser aux standards requis

– L’Economiste: Dix ans après l’ouverture des candidatures pour la reconnaissance de l’Etat, quel bilan peut-on en faire?
– Hind Moutawakkil: Nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’un tournant structurant et impactant pour le secteur. Ce dispositif a permis d’introduire des standards de qualité, d’exigence académique et scientifique et de gouvernance qui ont rehaussé l’image et la crédibilité du privé au sein de l’écosystème national. La reconnaissance de l’État n’est pas un simple label administratif: elle est le résultat d’un processus rigoureux d’évaluation des programmes, de la gouvernance, des ressources humaines et matérielles, de la vie estudiantine et surtout, de l’impact sur l’insertion professionnelle des lauréats.
– Ce label a-t-il créé une nouvelle dynamique dans le secteur?
– Cette reconnaissance a poussé de nombreux établissements à repenser leurs modèles pédagogiques, à recruter des enseignants de haut niveau, à investir dans la recherche appliquée et à nouer des liens plus étroits avec le tissu économique. Elle a donc agi comme un levier d’amélioration continue pour l’ensemble du secteur privé, au bénéfice des étudiants et de l’économie nationale, et de développement des partenariats entre le public et le privé, qui doivent désormais travailler en synergie.
– Est-ce que cela a réellement permis de relever la qualité de l’offre de formation du privé?
– Indéniablement, oui. La reconnaissance de l’État a créé une dynamique vertueuse au sein des établissements privés, désormais assujettis à des mécanismes d’évaluation institutionnelle cordonnés par l’agence nationale d’évaluation et d’assurance qualité (ANEAQ). Elle a encouragé l’harmonisation avec les standards nationaux, mais aussi internationaux, en matière d’assurance qualité, de référentiels pédagogiques et de dispositifs d’accompagnement des étudiants. Aujourd’hui, de plus en plus de nos établissements reconnus proposent des formations innovantes, alignées avec les besoins du marché de l’emploi, notamment dans des domaines porteurs comme l’ingénierie, le digital, la santé, le management ou encore l’industrie 4.0.
– Il s’agit donc d’une montée en gamme du privé?
– Il s’agit là d’un progrès significatif dans un secteur qui souffrait autrefois d’une image fragmentée. Toutefois, il est important de souligner qu’une part considérable des établissements autorisés ne répond pas encore aux critères exigés pour l’obtention de la reconnaissance de l’État. À ce jour, 49 écoles et universités, qu’elles soient privées ou en partenariat avec l’Etat, sont reconnues (voir tableau). Il me semble donc essentiel de mettre en place des mesures incitatives et des mécanismes d’accompagnement pour permettre à l’ensemble du secteur de se hisser aux standards requis. Cette démarche est d’autant plus cruciale si l’on souhaite atteindre l’objectif national visant à porter la part de l’enseignement supérieur privé à 20% des effectifs globaux du système.
Propos recueillis par Ahlam NAZIH
Ne pas en faire un club fermé!
– À votre avis, faudrait-il garder ce label pour les meilleurs, ou bien œuvrer pour l’offrir à tous les opérateurs privés?
– La reconnaissance de l’État doit rester un processus méritocratique, rigoureux et évolutif. Il ne s’agit pas de l’accorder automatiquement à tous les opérateurs, mais de l’envisager comme un objectif accessible à toute institution privée sérieuse, engagée dans une démarche d’excellence. Autrement dit, il ne faut pas en faire un club fermé, mais un cadre d’amélioration continue ouvert à tous ceux qui sont prêts à respecter les critères de qualité définis par le ministère. Notre position, en tant que fédération, est claire: il faut encourager plus d’établissements à atteindre le niveau requis, à travers un accompagnement technique, un dialogue constructif avec les autorités, et des mécanismes de soutien au développement qualitatif. L’objectif à long terme n’est pas d’avoir un système à deux vitesses, mais un secteur privé globalement reconnu pour sa qualité, sa diversité et sa contribution à l’économie du savoir.

