IA: Nouveau «binôme» des étudiants ou pire ennemi?
- Une productivité améliorée, mais des risques aussi
- Une expérience d’apprentissage redéfinie
L’évolution de l’intelligence artificielle (IA) durant ces dernières années a été fulgurante, et encore plus avec ChatGPT en 2022, qui a vulgarisé cette technologie, notamment auprès des étudiants.
Les outils de l’IA font de plus en plus d’adeptes. Au Maroc, cette tendance est particulièrement marquée. 38% des Marocains utilisent activement l’outil ChatGPT, selon une récente enquête de CCI Global Consumer Sentiment Survey 2023, du Boston Consulting Group (BCG). Les étudiants en raffolent, et y font appel au quotidien pour différentes tâches. «Personnellement, je l’utilise pour y synthétiser des cours, approfondir des notions, améliorer ma rédaction, y compris de lettres de motivation, demander de conseils…», confie Rania, étudiante en master 2, droit bancaire et financier, à l’université de Montpellier.
Abdelkrim, jeune diplômé de l’INSA de Toulouse, lui, continue à travailler avec ChatGPT même après avoir terminé ses études. Il est depuis presque un an cadre dans une multinationale française. «J’y recours un peu comme un assistant personnel au quotidien, pour des traductions, des reformulations ou relectures, la rédaction de mails, etc. Il m’arrive également d’en faire usage pour des synthèses d’articles, la génération de programmes sportifs et de régimes alimentaires, avec des inputs détaillés… Il m’aide à gagner beaucoup de temps», partage-t-il. Durant ses études, ChatGPT lui a surtout permis de rédiger l’essentiel de ses rapports de projets et de son mémoire de fin d’études. L’application l’a également aidé dans la rédaction de programmes informatiques. Pour obtenir des images «originales», il a eu recourt à Midjourney. L’outil est payant, mais il lui a évité de perdre du temps à chercher et télécharger des photos pour ensuite les retoucher manuellement. «Le gain de temps est énorme», souligne-t-il.
Cette révolution technologique a redéfini les expériences d’apprentissage. Maya, étudiante en 1re année à l’Institut Paul-Bocuse à Lyon, affirme que l’IA lui a permis de réorganiser ses idées de manière plus claire. Elle a également rendu son travail à la fois «plus rapide et plus précis». Cependant, malgré les avantages indéniables de la technologie, elle est souvent perçue comme une arme à double tranchant. Elle peut être un allié permettant d’améliorer la productivité, ou au contraire, être considérée comme une menace pouvant saper l’imagination de ses utilisateurs. Son impact sur l’enseignement supérieur suscite des préoccupations.
Pour Kenza, étudiante en 1re année à l’université Lumière Lyon 2, l’IA peut stimuler la créativité des étudiants en facilitant le brainstorming, mais elle risque également de diminuer leur confiance en leurs propres capacités de réflexion. Abdelkrim, lui, estime que l’IA pourrait pousser les plus jeunes au moindre effort. «Par exemple, pour des collégiens, au lieu de lire un livre en entier, il leur est possible de demander un résumé détaillé, chapitre par chapitre, à ChatGPT, qui fera largement l’affaire pour leurs examens de lecture. On peut également mentionner des matières telles que les maths ou l’informatique, pour lesquelles les élèves ne fourniraient plus aucun effort, notamment lors des devoirs à la maison», illustre-t-il.
Ils nous en parlent
● Rania, étudiante en master 2, droit bancaire et financier, à l’université de Montpellier: «J’utilise parfois l’application ChatGPT pour m’aider à résumer mes cours. En droit, nous avons des centaines de pages à lire. Cette application me permet de synthétiser les notions importantes et de clarifier les points essentiels à retenir. Cela représente un véritable gain de temps. Il s’agit d’une sorte de prof à domicile, je peux poser toutes les questions que je veux lors de mes révisions, demander des exemples… J’y ai, par ailleurs, eu recourt pour chercher une alternance, en demandant des informations sur des entreprises et sur les prérequis de certains postes».
● Jean-Baptiste, étudiant en master 2, droit bancaire et financier, à l’université de Montpellier: «L’IA peut me préparer des QCM sur les cours que j’ai à réviser ou m’aider à expliquer un concept sans avoir recours à un ouvrage. Je peux poser des questions sur certains points et avoir des clarifications, avec une rigueur et une précision dans les réponses».
● Abdelkrim, diplômé de l’INSA de Toulouse, actuellement cadre dans une multinationale française: «L’IA n’a pas vraiment modifié ma manière d’étudier ou de travailler, elle m’a surtout permis de concentrer mes efforts sur les tâches complexes qui demandent de la réflexion. Les outils tels que ChatGPT m’ont surtout permis de gagner du temps sur les tâches assez simples. Pour moi, il joue réellement le rôle d’un assistant, et non de cerveau».
La technologie peut-elle remplacer les enseignants?
C’est la question qui s’impose de plus en plus. Comme de nombreux métiers, celui d’enseignant peut être sujet à un véritable bouleversement dans les prochaines années. Jean-Baptiste est catégorique: «Incontestablement, pour moi l’IA a la capacité de se substituer à un enseignant, car l’explication demandée est précise, adaptée, complète et pédagogique». Les avis sont partagés. Pour Rania, difficile de remplacer des professeurs ou des chargés de TD. «Du moins pour les matières plus “littéraires”, comme le droit, ou tout peut se débattre, et où il n’y a pas qu’une seule réponse possible», pense-t-elle. Abdelkrim abonde dans ce sens: «L’IA telle qu’elle existe aujourd’hui n’est à mes yeux qu’un outil, très puissant certes et qui se développe continuellement, mais pas encore apte à remplacer des tâches humaines», argue le jeune ingénieur.
Saad El ALAOUI & Ahlam NAZIH