Les grandes écoles se lancent dans la formation par alternance
- Mais son succès sera tributaire de l’engagement des entreprises
- Des conventions en cours de négociation avec de grands groupes
ENCG et grandes écoles d’ingénieurs publiques se mettent enfin à la formation par alternance. Le dispositif a été officiellement introduit dans leurs nouveaux cahiers de normes pédagogiques, récemment validés par la Commission nationale de coordination de l’enseignement supérieur (Cnaces), et qui rentrent en vigueur à la rentrée de septembre.
Ce type de formation est de mise à l’international depuis des décennies, voire depuis plus d’un siècle dans certains pays, comme en Allemagne, aujourd’hui citée en exemple dans le domaine. Il fait donc son entrée dans l’enseignement supérieur marocain en vue d’une généralisation. Jusque-là, la formation en milieu du travail au Maroc se limitait à la formation professionnelle, c’est-à-dire aux parcours ne dépassant pas un bac+2. Dans le supérieur, quelques rares expériences ont été tentées, portées par des écoles et universités, à la fois du public et du privé.
C’est par exemple le cas de l’ENCG Settat, qui a signé une convention avec le groupe Marjane en 2023, pour le lancement d’une filière en alternance autour de la distribution moderne. «L’objectif est que les étudiants suivent des cours à l’école parallèlement à des stages chez Marjane, avec à la clé une rémunération de 3.000 DH par mois, et la possibilité d’un CDI», détaille Mohamed Makhroute, directeur par intérim de la business school publique. En 2022, Al Akhawayn a également conclu un partenariat avec Alstom Cabliance, pour la mise en place d’une formation alternée.
Aujourd’hui, les grandes écoles publiques veilleront à développer davantage ce modèle. Le réseau des écoles d’ingénieurs publiques est déjà en train de négocier deux cursus par alternance avec le groupe Alten. Ils seront ouverts aux Ecoles nationales des sciences appliquées (ENSA) de Fès et de Tétouan, à partir de la prochaine rentrée, selon Ahmed Mouchtachi, coordinateur du réseau, également président de l’université Moulay Ismaïl de Meknès. D’autres projets sont en préparation. Néanmoins, tout dépendra du degré d’engagement des entreprises dans ce dispositif. Surtout qu’il n’existe à ce jour aucune incitation étatique. Si les grandes entreprises marocaines et multinationales peuvent se permettre d’investir cette voie, qu’en est-il des petites et moyennes structures, qui représentent l’essentiel du tissu productif national?
Un dispositif win-win
En s’ouvrant aux apprentis pour des parcours par alternance, les entreprises peuvent former des profils sur mesure, des diplômés «prêts à l’emploi», imprégnés de leur culture et de leurs valeurs. Dans un marché ou les compétences se font de plus en plus rares dans plusieurs secteurs, il s’agit d’une réelle opportunité à saisir, pourvu que les entreprises consentent à assumer une partie du coût de la formation. Le soutien de l’Etat reste également indispensable, notamment pour les TPME. Les écoles, de leur côté, peuvent assurer une meilleure employabilité et un meilleur taux d’insertion professionnelle à leurs lauréats. Les étudiants, quant à eux, bénéficient d’une formation renforcée, d’une transition progressive vers le monde professionnel, ainsi que d’une rémunération. Enfin, l’Etat peut améliorer la productivité du facteur travail et réduire le taux de chômage, ce qui ne pourrait être que bénéfique pour l’ensemble de l’économie.
Formation professionnelle : Deux modèles depuis plus de 25 ans
Dans les établissements de la formation professionnelle, deux modèles, régis par deux textes de loi, sont proposés: la formation professionnelle alternée (loi n° 36-96 de 1996) et la formation par apprentissage (loi n° 12-00 de 2000). La première est surtout pratiquée dans les cursus proposés par l’OFPPT. Le temps de la formation y est réparti à parts égales entre école et entreprise (50%-50%). Le modèle par apprentissage, pour sa part, envisage 80% de pratique terrain et 20% de cours théoriques. Il est surtout de mise dans les centres de formation créés par des ONG, des entreprises ou des départements ministériels (Tourisme, Artisanat, Agriculture, Pêche…). Même si ce genre de parcours est en vigueur depuis plus de 25 ans, il peine à prendre. Et pour cause, les entreprises ne bénéficient que de peu d’incitations. Pour la formation par apprentissage, par exemple, une subvention de 3.000 DH par apprenti et par an est accordée. Un montant pour le moins dérisoire.
Ahlam NAZIH