Une école d’ingénieurs virtuelle pour bientôt
- Un projet porté par le réseau national des établissements d’ingénierie
- Des préparatifs pour faciliter la mobilité nationale des étudiants aussi
Le réseau national des écoles d’ingénieurs publiques muscle ses actions. Après avoir travaillé pendant des mois sur un nouveau cahier de normes pédagogiques du parcours ingénieur, actuellement en cours de validation, il s’attaque à d’autres projets. Le coordinateur du réseau, Ahmed Mouchtachi, également président de l’université de Meknès, partage avec L’Economiste ses ambitions.
– L’Economiste: Vous coordonnez le réseau des écoles d’ingénieurs publiques depuis quelques mois. Quels sont vos projets?
– Ahmed Mouchtachi: Nous en avons plusieurs. Très récemment, nous nous sommes réunis avec le réseau Polytech en France pour élaborer des projets communs, en collaboration avec l’ambassade de France. L’objectif est de mutualiser les compétences et les moyens, et encourager la mobilité des étudiants, surtout les doctorants nouvelle génération. Parmi nos ambitions, mettre en place une école d’ingénieurs virtuelle. Nous sommes en train de travailler dessus. Les enseignants de toutes les écoles d’ingénieurs y insèreront leurs cours, pour les mettre à la disposition de tous les étudiants des écoles marocaines.
Nous souhaitons également favoriser la mobilité nationale des élèves ingénieurs. Pour cela, nous commençons avec les deux années préparatoires, dont nous allons revoir les contenus. Chaque école a déjà désigné trois enseignants responsables de ce projet, dans trois spécialités: Mathématiques, physique et sciences industrielles. Ainsi, si un étudiant désire changer d’école, il aura reçu les mêmes cours que dans l’établissement qu’il vise.
– Des initiatives sont-elles prévues avec des pays africains?
– En fait, nous comptons explorer des opportunités de collaboration avec de nouveaux pays, notamment anglophones, ainsi que sur le continent. Nous allons conjuguer nos expériences pour proposer des projets, et pourquoi pas, des antennes d’écoles d’ingénieurs marocaines dans d’autres pays africains. Cela contribuera à la diplomatie parallèle, à l’instar de ce que nous développons avec l’Espagne, l’Italie ou la France.
– Quels sont pour vous les défis des écoles d’ingénieurs aujourd’hui?
– D’abord, suivre, voire même anticiper les évolutions technologiques. Et quand vous avez la volonté et une vision claire de ce que vous souhaitez entreprendre, vous pouvez aller très loin, même au-delà de ce qui se pratique dans les écoles des pays développés. Nous avons les compétences pour y arriver. Les moyens financiers sont, certes, nécessaires, mais nous pouvons nous en sortir malgré tout. A l’Ensam de Meknès, par exemple, nous venons de fabriquer une machine qui pèse 3,5 tonnes. Il s’agit d’une enceinte de radioprotection 100% marocaine, créée en partenariat avec une société œuvrant dans le domaine médical, GAMA. C’était une commande de cette entreprise. Cette première unité a déjà été vendue à une clinique.
Il est nécessaire de créer un lien de partenariat avec le tissu industriel. Cependant, il faudrait que les entreprises fassent confiance aux compétences locales, et qu’elles contribuent aussi au financement des projets.
– Justement, comment qualifieriez-vous ce lien écoles-entreprises au Maroc?
– La collaboration écoles-entreprises ne date pas d’aujourd’hui, toutefois, les entreprises ne doivent pas se limiter au recrutement des ingénieurs, aux projets de fin d’études et aux stages. Elles doivent contribuer également à la formation au sein des écoles, et au financement des produits et des solutions qui les intéressent, et même au financement de thèses de doctorat.
Faudrait-il former plus d’ingénieurs?
Le Maroc forme aujourd’hui plus de 10.000 ingénieurs, entre écoles publiques et privées. Est-ce suffisant pour accompagner tous les chantiers lancés? «Déjà, le marché du travail est-il actuellement à même d’absorber tous les diplômés?» rétorque Ahmed Mouchtachi.
«Cela dit, il est toujours intéressant d’en former plus. Il s’agit de profils qui ont reçu une excellente formation, et qui peuvent s’insérer sur le marché d’une manière ou d’une autre», pense-t-il. Le véritable problème est peut-être du côté de la fuite des cerveaux.
«Le tissu industriel a un grand rôle à jouer pour limiter le phénomène, car il faut payer les ingénieurs à leur juste valeur», estime le coordinateur du réseau national des écoles d’ingénieurs publiques.
Hausse des effectifs étudiants et qualité du cursus
Les écoles d’ingénieurs publiques brassent des effectifs de plus en plus importants, surtout dans celles relevant d’universités. Certaines accueillent jusqu’à plus de 2.000 étudiants. Cela risque-t-il d’impacter la qualité de la formation offerte dans ces établissements? «Toutes les écoles d’ingénieurs vivent la massification. En France, les effectifs tournent autour de 400 à 500, et en plus avec des budgets colossaux», reconnaît Ahmed Mouchtachi. Il s’agit pour lui d’une véritable contrainte.
«Dans les écoles d’ingénieurs nous avons peut-être plus de massification que dans les facultés à accès ouvert, puisque les effectifs restent les mêmes tout au long du parcours, contrairement aux facs où il y a des déperditions chaque année», ajoute-t-il.
Ahlam NAZIH